C’est dans un bar du XXè arrondissement que les idéologues parisiens du S.L.I.P. s’étaient retrouvés pour débattre d’enjeux philosophiques de premier ordre. Très vite, la discussion s’est focalisée sur la place accordée à l’Honneur dans le monde du luboboule. Retour sur une discussion au cours de laquelle les intervenants ont tenté, tant bien que mal, de suivre le judicieux avertissement de Vanessa Lubonheur : « on ne peut pas se laisser aller à dire n’importe quoi. »
Lubaltringue Spécial : la Philosophie dans le Luboudoir
Voici les protagonistes réunis autour de la table :
- Pierre S qui tournait à la pinte de blonde,
- le toujours très provocateur Damien Lubôt de Satan (demi de blonde),
- l’égérie parisienne du Luboboule, Vanessa Lubonheur (pinte de picon),
- et le voyeuriste Damien Lubodélire (pinte de blonde lui aussi).
« Au luboboule, tu ne peux pas me casser la gueule. »
Damien Lubôt de Satan engage la discussion en affirmant que l’impossibilité de représailles physiques à l’encontre de son adversaire est la preuve qu’aucun code d’honneur n’existe au luboboule.
« Pourquoi au luboboule on ne pourrait pas te casser la gueule ? »
Aussi tôt, Vanessa Lubonheur fait remarquer à l’assistance le vide juridique à ce sujet. En effet, nulle part dans les Règles Officielles, il n’est fait mention d’une telle interdiction.
« Je ne le fais pas, parce que je suis honorable. »
Pierre S explique alors que c’est justement l’existence d’un code d’Honneur tacite qui garantit l’intégrité physique des joueurs. Puis il se laisse aller à une émouvante confession : « Je n’ai jamais mis une boule dans la gueule de qui que ce soit. »
« Tant que tu respectes les règles. »
tient à préciser Damien Lubôt de Satan. Aucune mesure n’existant pour punir ceux qui enfreignent les règles, les respecter c’est déjà faire preuve d’honneur. Dès lors, « tous ceux qui respectent les règlent, jouent pour l’honneur. » conclut-il avec une ironie qui n’a échappé à personne.
« Quand tu perds, tu sais que tu peux encore pourrir la partie des autres. »
Par ailleurs, poursuit Damien Lubôt de Satan dans un élan de fourberie qui n’aura surpris personne : quand sa propre cause est perdue, l’intérêt de la partie ne réside plus que dans la capacité qu’on a à nuire à l’un ou l’autre des joueurs encore en course pour la victoire. Dans ces conditions, difficile de ne pas succomber à la tentation du déshonneur.
« Tu essaies de défoncer ton adversaire, c’est le principe. Même aux échecs, c’est le principe. […] Si le gars n’a pas lu Sun Tzu ou Napoléon, faut en profiter. »
Après avoir fait un parallèle avec le plus célèbre des jeux de stratégie, Damien Lubôt de Satan insiste sur la jouissance que ressent le vainqueur au détriment de ceux dont il a triomphé. Dans cette lutte sans merci pour la victoire, le recours aux enseignements des grands stratèges est selon lui tout sauf inutile.
« J’aime pas gagner de cette façon. »
objecte Vanessa Lubonheur expliquant que le résultat seul peut ne pas suffire à satisfaire un joueur. Pour elle comme pour d’autres, la manière compte tout autant.
« Pour que la partie soit intéressante, quel que soit le jeu, faut que t’aimes gagner. »
reprend alors Pierre S rappelant que sans l’engagement moral des trois joueurs à disputer la victoire, le résultat d’une partie de luboboule peut s’en retrouver totalement biaisée.
« Je veux gagner mais je ne suis pas prêt à tout. »
Néanmoins, la quête de la première place ne peut se faire à n’importe quel prix. La vertu au luboboule dépasse donc la simple volonté de victoire : il faut impérativement y adjoindre le respect de l’adversaire.
« Les personnes que tu connais pas trop, tu veux éviter de les froisser et de passer pour un gros connard. »
Damien Lubodélire prend alors la parole pour rappeler que les rencontres de luboboule sont aussi un espace convivial de sociabilisation et qu’une attitude trop tournée vers la fourberie peut nuire au développement du jeu après des nouveaux.
« Etre honorable, c’est aussi vouloir gagner avec panache. »
Pierre S donne alors sa propre définition du terme : quand le choix est possible, au gain assuré, il faut préférer la prise de risques jusqu’au bout.
« Gagner avec panache c’est gagner contre un adversaire fort. »
rétorque Damien Lubôt de Satan. Ce n’est pas la manière mais bien la valeur de l’adversaire qui donne de la valeur à une victoire. Et, conformément à ce qu’il a affirmé précédemment, dans pareil cas il préconise d’opter sans hésiter pour « le coup qui te donne la victoire. »
« Je ne cherche pas les honneurs, les glorioles, les couronnes de laurier. »
Damien Lubôt de Satan proclame la primauté de la victoire, la plaçant définitivement au-delà de toute considération morale.
« Moi ce que je veux voir, c’est le désespoir dans les yeux de l’adversaire. »
Avec cette intervention, Lubodélire épouse la cause défendue par le Lubôt de Satan : il n’y aucun honneur à perdre au luboboule, la défaite est celle de l’être tout entier.
« Autant ne pas jouer car si tu perds tu diras que tu jouais pour l’honneur. On ne jouait pas pour la même chose : je jouais pour gagner, tu jouais pour l’honneur. »
tranche finalement Lubôt de Satan, marquant ainsi une différence fondamentale entre ces deux écoles de luboulistes : les chevaleresques d’un côté, les roublards de l’autre.
« Je suis frontal mais je joue dans les règles. Par contre, quand les gens sont vicieux, je joue vicieux. »
Lubôt de Satan n’est pas du genre à tendre l’autre joue. Oeil pour œil, dent pour dent semble-t-il nous dire. « Si faut jouer aux boules, je joue aux boules ; si faut jouer intelligent, je joue intelligent. » concluant ainsi son plaidoyer pour la polyvalence et l’adaptabilité à la stratégie et aux aptitudes de l’adversaire.
« J’ai même failli battre un Cadoret. »
Mais, dans cette impitoyable quête de la suprématie, seul le plus fort est récompensé : ze ouinneur tèque hitte heaule. Et l’aveu d’avoir trouvé son maître (*) en la personne de l’actuel champion du monde, Etienne C, vient quelque peu affaiblir la position de Damien Lubôt de Satan.
« Les Cadoret, eux, ne jouent pas de façon honorable. »
Le point Glubodwin étant franchi, c’est à Pierre S que revient le mot de la fin. Car sur ce point, assurément, le consensus est atteint.
[* dans une partie qui remonte à juillet 2012]